Quand l’autre n’existe pas…
L’égoïsme, en soi, n’a jamais été perçu comme une qualité. Pourtant, un certain degré d’égoïsme peut être sain lorsqu’il s’agit de défendre ses propres intérêts et de poser des limites. Mais lorsque cet égoïsme devient excessif et omniprésent, il devient pathologique, voire toxique.
L’égoïsme pathologique résulte d’une incapacité à l’empathie. Pour la personne qui en est atteinte, chaque interaction est filtrée uniquement à travers ses propres intérêts. Elle ne se base ni sur une morale, ni sur une logique de bon sens, ni sur une quelconque considération pour autrui. Ce type d’égoïsme est souvent lié à des failles profondes dans l’individualité et l’estime de soi, empêchant toute capacité à accéder à un registre supérieur comme celui de la valeur humaine ou du respect mutuel.
Ce repli sur soi est normal dans la petite enfance, où l’enfant perçoit le monde à travers son propre prisme sans encore intégrer la notion d’altérité. Cependant, certaines personnalités pathologiques restent figées dans ce stade développemental.
Les effets destructeurs d’un parent égoïste
Lorsqu’un enfant grandit sous l’influence d’un parent atteint de ce type de trouble, le manque de retour affectif et de considération peut être profondément destructeur. En l’absence de reconnaissance et de validation émotionnelle, l’enfant peut développer des carences affectives qui perdureront à l’âge adulte. Ces blessures non résolues peuvent se réactiver violemment au moindre signal rappelant cette dynamique.
Les victimes de ce type de relation ont souvent tendance à développer une dépendance affective, cherchant désespérément la reconnaissance et la validation qu’elles n’ont jamais reçues.
Quelques exemples concrets de ce type d’égoïsme pathologique :
« C’est rien, ce que toi tu ressens, à côté de moi. »
Dit une mère à son fils après le décès de sa sœur, avec qui il entretenait une relation fusionnelle. Plutôt que de lui offrir du réconfort ou partager une émotion commune.
« Qu’est-ce qu’elle me manque, qu’est-ce qu’elle me manque… »
Dit une mère à son fils qui traverse une rupture douloureuse. Tel un vol d’émotion, au lieu de l’écouter et de le soutenir, elle s’approprie le centre de l’attention et dénie l’émotion de son enfant.
« C’est pire pour moi. »
Dit une mère à sa fille en fin de vie, au lieu de la rassurer, détournant immédiatement l’attention sur elle.
Sa fille, en pleine lutte contre la douleur causée par un cancer qui l’emportera deux semaines plus tard, encaisse en silence, plus encore console sa propre mère.
Deux heures plus tard, la mère lui envoie une photo d’elle sortant du coiffeur pour exhiber sa nouvelle coupe, alors que sa fille, privée de cheveux par la maladie, n’ira plus jamais chez le coiffeur.
« Qu’est-ce qu’on en a vu de toutes les couleurs avec toi ! »
Une mère répète encore des années plus tard à son fils combien elle en a bavé lorsqu’il a passé de longues semaines à l’hôpital, entre la vie et la mort.
Plutôt que de reconnaître sa souffrance, elle recentre l’attention sur elle.
Pire encore, elle insinuera plus tard que cet épisode serait la cause de son alcoolisme par lequel elle a détruit la famille.
Dans ces situations, l’émotion de l’autre est niée, minimisée ou carrément volée. L’individu pathologique ne reconnaît pas la souffrance de son interlocuteur, mais l’absorbe pour se remettre lui-même au centre du récit. Il s’agit d’une forme de vol émotionnel, une négation complète de l’existence de l’autre.
Quand il n’y a pas de véritable relation.
Le mot « relation » vient du latin religare, qui signifie « créer du lien ». Une relation repose sur un échange, une écoute mutuelle, et un minimum de considération réciproque.
Mais comment peut-il y avoir un lien réel lorsque l’un des interlocuteurs est dans un déni total de l’existence émotionnelle de l’autre ? Quand l’échange n’est jamais un partage, mais toujours une absorption, une réappropriation du vécu de l’autre à des fins personnelles ?
L’égoïsme pathologique transforme l’autre en outil narcissique, un simple support à son propre drame, sans jamais reconnaître qu’il a ses propres émotions, ses propres besoins, sa propre souffrance.
Dans ce type de relation, la seule manière de survivre psychiquement est d’en sortir ou, à défaut, d’apprendre à ne plus jamais attendre de reconnaissance ni d’écoute sincère.