Quand les surnoms deviennent des armes…
Les surnoms sont souvent associés à la tendresse, à l’intimité et à l’affection. Mais dans certaines dynamiques familiales toxiques, ils deviennent un outil insidieux de contrôle et d’humiliation. Sous couvert d’humour ou de proximité, le manipulateur utilise ces appellations pour rabaisser l’autre, tout en niant toute contestation. « C’est parce que je t’aime », pourra-t-il le justifier.
Les mots qui blessent sous couvert d’amour
Dans une famille dysfonctionnelle, les surnoms humiliants ne sont pas un simple trait d’humour maladroit : ils servent à maintenir une emprise sur une victime amoindrie.
Un enfant qui grandit en étant appelé par des termes dégradants, parfois obscènes, intègre cette image de lui-même et peut en venir à s’y conformer, à en rire pour se protéger, voire à les répéter inconsciemment pour faire rire ou se sentir aimé. Il y a un processus de résignation qui s’installe : ce que l’on ne peut pas changer, on finit par l’accepter.
Le problème, c’est que ces surnoms ne sont jamais anodins. Ils façonnent l’image que la personne a d’elle-même, influencent son estime de soi et conditionnent son rapport aux autres. Un enfant (ou adulte) à qui l’on répète qu’il est une « lopette », une « vieille verge », ou tout autre qualificatif humiliant finira par introjecter une forme de honte, même s’il en rit en apparence.
Le camouflage sous l’humour et l’affection
Ce type de manipulation est d’autant plus pernicieux qu’il est souvent justifié par l’humour ou l’amour :
- “C’est pour rigoler”
- “C’est parce que je t’aime”
- « T’as pas d’humour quand même tu sais, toi »
En réalité, c’est une manière d’annuler toute contestation. Si la victime exprime son malaise, elle est immédiatement accusée d’exagérer, d’être trop sensible ou même de manquer d’humour. Le manipulateur se place ainsi en position de supériorité, laissant entendre que le problème vient de la victime et non de son comportement.
L’humiliation publique comme outil de domination
Un des aspects les plus marquants de cette stratégie est son usage en public. La victime, prise au dépourvu, est contrainte de jouer le jeu et d’en rire pour éviter d’attirer davantage l’attention ou d’être vue comme quelqu’un qui “fait des histoires pour rien”.
Mais derrière cette apparente légèreté se cache un mécanisme de pouvoir bien rodé. Plus la victime accepte ces surnoms, plus elle est conditionnée à accepter d’autres formes de maltraitance verbale, voire psychologique.
L’usage de l’humiliation en public à également pour bénéfice de renforcer la domination au sein du groupe tout en instituant au manipulateur sa position de supériorité.
Il arrive même que le prénom soit prononcé avec un tel ton humoristique que l’entourage, sans en mesurer la portée, se l’approprie et le répète avec entrain, perpétuant ainsi un schéma pernicieux et destructeur sans en avoir délibérément l’intention, mais bien la conséquence au sein de l’humilié dans son intégration sociale et perception identitaire au sein de et de tout groupe.
Les effets à long terme
Être continuellement rabaissé sous forme de plaisanterie affecte profondément la construction de l’identité. À force de répétition, ces mots s’incrustent dans l’inconscient et peuvent engendrer :
- Une estime de soi fragilisée
- Une difficulté à poser des limites face aux humiliations des autres
- Une acceptation passive de comportements toxiques
- Une tendance à minimiser son propre ressenti pour ne pas « faire d’histoires »
Certains, à l’âge adulte, continuent à utiliser ces surnoms sur eux-mêmes, renforçant ainsi leur propre dévalorisation, dans le but de rechercher l’humour et la sympathie tels qu’ils ont été intégrés par le manipulateur.
D’autres reproduisent inconsciemment ce modèle sur leurs proches, perpétuant le cycle de l’humiliation banalisée.
Sortir du piège : Reprendre le contrôle des mots
Prendre conscience de l’impact de ces surnoms est une première étape essentielle. Il ne s’agit pas d’être rigide et de rejeter toute forme d’humour, mais de discerner ce qui relève de l’affection et ce qui relève de l’humiliation.
Quelques pistes pour se protéger :
- Refuser de jouer le jeu : Ne plus répondre aux surnoms dégradants, ne pas rire aux blagues à ses dépens.
- Recadrer fermement : « Je n’aime pas ce surnom, je préfère que tu m’appelles par mon prénom. »
- Mettre en lumière le procédé : « Tu dis que c’est pour rire, mais à chaque fois c’est pour me rabaisser. Tu peux trouver un autre moyen de plaisanter. »
- S’éloigner si nécessaire : Face à un manipulateur qui refuse d’entendre, la distance peut être la seule solution.
Il n’est pas rare que recadrer ou mettre en lumière ces comportements reste sans effet sur la personne concernée. Dans ce cas, l’absence de réaction (ne pas réagir a ce type d’appel) et la prise de distance demeurent les seules armes sur lesquelles vous avez un contrôle total.
Le respect passe aussi par les mots que l’on choisit pour parler à quelqu’un
Se réapproprier son prénom et exiger d’être nommé avec considération, c’est une manière simple mais puissante de reprendre le pouvoir sur son identité et de refuser toute forme d’humiliation déguisée en affection.