Le récit du déni : un piège toxique
Le narcissique vit dans une réalité façonnée par un récit qu’il construit pour préserver son image et éviter toute remise en question. Ce récit est un outil puissant qui lui permet de fuir l’inconfort d’une vérité qui pourrait ternir son illusion de contrôle et d’infaillibilité.
Pour renforcer ce mensonge protecteur, il n’hésite pas à persuader son entourage d’y adhérer, en répétant inlassablement la même version des faits, parfois jusqu’à la réécrire complètement. Peu importe la réalité observable : seul compte son besoin de sauvegarder son image et d’échapper à toute responsabilité. « Elle exagère un peu », diront certains pour minimiser. Mais au fil du temps, ce récit devient une réalité parallèle, à laquelle tout le monde est sommé de croire sous peine d’être exclu ou diabolisé.
Pourquoi ce mécanisme est-il toxique ?
Le problème fondamental du récit du déni est qu’il impose un décalage entre la réalité vécue par l’entourage et celle que le narcissique tente d’imposer. Ce fossé provoque plusieurs effets destructeurs :
🔹 Un doute sur sa propre perception : l’entourage, confronté à une version des faits incohérente avec sa propre expérience, finit par douter de lui-même. Ce phénomène, appelé « gaslighting », peut entraîner une grande anxiété et un profond sentiment d’isolement.
🔹 Une inversion des rôles : dans le récit narcissique, le manipulateur n’a jamais tort. Pire encore, c’est lui qui endosse le rôle de la victime. Si vous avez souffert de son comportement, il s’arrangera pour retourner la situation à son avantage et faire de vous l’agresseur. Vous voilà responsable de son malheur, tandis qu’il récolte compassion et soutien.
🔹 Une souffrance silencieuse : ne pouvant confronter directement le narcissique sans déclencher un conflit ou une attaque en règle, l’entourage est contraint de ravaler sa douleur. L’injustice ressentie est immense, et elle peut générer des tensions internes profondes pouvant mener à des troubles anxieux, dépressifs, voire des pathologies plus graves.
Confronter le déni : une illusion dangereuse
Face à cette injustice, la tentation est grande d’exiger réparation, d’essayer de convaincre le narcissique de la réalité des faits. Pourtant, c’est un piège. Ce récit est vital pour lui : il ne le défend pas seulement pour manipuler, il y croit profondément car il protège son ego d’un effondrement psychologique.
Tenter de le faire changer d’avis ou de l’amener à reconnaître ses torts ne fera qu’alimenter le jeu de la manipulation. Le narcissique adore le conflit, car il lui permet de maintenir sa domination psychologique. Pire encore, en vous mettant en colère ou en cherchant désespérément à rétablir la vérité, vous lui donnez une nouvelle arme pour nourrir son récit : « Regarde comme tu es agressif », « Tu vois bien que tu es instable », renforçant ainsi son emprise.
La seule issue : préserver son intégrité
Vivre sous l’emprise d’un narcissique, c’est être pris au piège d’un récit où la vérité n’a pas sa place. On pourrait croire qu’avec le temps, avec la patience, avec assez de preuves, il finira par comprendre. Mais il n’en est rien.
Dans ce genre de relation, il n’existe qu’une alternative : soit se soumettre et accepter d’être façonné par le récit du narcissique, soit s’en extraire pour préserver son équilibre psychique.
Si « prendre sur soi » peut être un signe de sagesse dans certaines situations, dans une relation avec un narcissique, cela signifie systématiquement sacrifier une part de soi. La seule véritable protection est d’apprendre à repérer ces récits du déni et à s’en éloigner avant qu’ils n’engloutissent toute capacité à voir et à vivre la réalité telle qu’elle est.